Un livre révolutionnaire du généticien David Reich

Le livre du généticien de Harvard, David Reich, est enfin paru après plusieurs reports. Il a été publié en Suisse par l’éditeur Quanto ; il est intitulé ‘’Comment sommes-nous devenus ce que nous sommes ? ’’. Le contenu de ce livre est vraiment révolutionnaire parce qu’il remet en cause, preuves génétiques à l’appui, beaucoup de théories concernant nos origines lesquelles s’appuyaient jusqu’au début de ce siècle sur des travaux archéologiques ou linguistiques.

David Reich affirme au début de son livre que la théorie dite « Out of Africa » est validée par les études génomiques et que les théories dites « multirégionales » sont au contraire invalidées. Les premiers hommes (Homo erectus) ont quitté l’Afrique beaucoup plus tôt (vers -1,8 million d’années) mais ils n’ont laissé que très peu de traces dans les génomes de leurs successeurs. L’homme de Néanderthal qui apparût entre -770000 et -550000 ans nous a transmis une faible part de son génome.

Les humains modernes seraient sortis d’Afrique, par le Proche Orient, vers -50000 ans mais il est possible que leurs ancêtres en soient sortis une première fois vers -1,8 millions d’années et qu’ils y soient retournés vers -300000 ans avant d’en ressortir vers -50000. Selon Maria Martinon-Torres et Robin Dennell, des restes humains trouvés à Atapuerca (Espagne) et datant d’environ un million d’années présentent un mélange de caractères indiquant qu’ils appartenaient à une espèce qu’ils ont baptisée Homo antecessor, dont descendent les humains modernes comme les Néanderthaliens. Ils pensent qu’il y a          800000 ans une lignée de cette espèce serait retournée en Afrique pour y donner naissance à celle des humains modernes. Pour l’instant, rien n’est sûr mais il se trouve que de nouvelles données génétiques viennent appuyer leur théorie. Affaire à suivre.

L’histoire de l’homme moderne en Europe commence il y a 43000 ans avec l’arrivée des premiers chasseurs-cueilleurs modernes. A cette époque, l’Europe était déjà habitée par les hommes de Néanderthal, une espèce différente de la nôtre qui disparut peu de temps de temps après l’arrivée des chasseurs-cueilleurs modernes, il y a 39000 ans. Il semble que les hommes de Néanderthal s’étaient mélangés avec des ancêtres de ces derniers dont ils avaient hérité environ 2% de leur génome. Puis, au cours de la courte période pendant laquelle ils coexistèrent (entre -43000 et -39000 ans), les chasseurs-cueilleurs modernes et les hommes de Néanderthal se mélangèrent à nouveau. Il nous reste de cette hybridation de 1 à 2% de gènes néanderthaliens.

Le point de vue de David Reich concernant la problématique « raciale » est très nuancé. Il met à mal les théories racistes tout en soulignant tout ce qui sépare les différentes grandes familles géographiques humaines.

’La génomique de la race et de l’identité montre ensuite que, en dépit de ce qu’on tendrait à penser depuis le siècle dernier, les populations humaines ne sont en fait pas suffisamment liées pour exclure qu’une approche biologique puisse les distinguer sérieusement. Mais elle met également en évidence, et avec plus de force encore, l’incompatibilité des représentations racistes du monde (qui datent de bien plus longtemps) avec les enseignements de la génétique’’. Il est possible de distinguer de nos jours des populations humaines par leurs génomes, aussi bien au plan global, qu’au plan régional ou au plan local. Les généticiens peuvent savoir d’où provient un génome sans avoir eu, préalablement à l’étude génomique, aucune information sur sa provenance. En aveugle, ils peuvent savoir si un génome est celui d’un Européen par exemple (ou celui d’un hybride et dans ce cas quelles sont les parts respectives des différentes composantes de son génome), mais aussi s’il est plutôt Scandinave, Britannique, Français, Allemand…. et même si ses origines principales se situent en Loire-Atlantique plutôt qu’en Ille et Vilaine (j’en ai fait l’expérience) ! Ceci dit, l’existence de populations actuelles différentes les unes des autres par la fréquence des gènes contenus dans leurs génomes ne permet pas de penser en terme de « races pures » parce que toutes ces populations sont issues de mélanges qui ont eu lieu dans un passé plus ou moins lointain : ‘’Que les premiers locuteurs indo-européens aient vécu au Proche-Orient ou en Europe orientale, les Yamna, responsables de la diffusion des langues indo-européennes sur une bonne partie du globe, étaient une population hybridée. Les peuples de la culture de la céramique cordée étaient, eux aussi, issus de croisements. Et il en va de même des Européens du Nord-Ouest associés à la culture campaniforme. Selon l’ADN ancien, les grandes migrations et les mélanges de populations très divergentes ont été la force vive de la préhistoire humaine. Et toutes les idéologies qui cherchent un retour à une pureté mythique sont totalement incompatibles avec les sciences dures’’.

‘’Aujourd’hui, les populations d’Eurasie occidentale (la vaste région comprenant l’Europe, le Proche-Orient et une grande partie de l’Asie centrale) sont extrêmement proches sur le plan génétique. La ressemblance physique de leurs membres a été perçue au XVIIIe siècle par des savants qui les ont classés dans la catégorie des « Caucasoïdes » pour les différencier des « Mongoloïdes » d’Asie orientale, des « Négroïdes » d’Afrique subsaharienne et des « Australoïdes » d’Australie et de Nouvelle-Guinée. Depuis les années 2000, on considère toutefois que les données relatives au génome entier sont beaucoup plus efficaces que les caractéristiques physiques pour définir des groupes de populations humaines actuelles. De prime abord, ces données génomiques semblent confirmer la validité de certaines anciennes catégories….Mesurées de cette façon, les différentes populations d’Eurasie occidentale sont en moyenne environ sept fois plus semblables entre elles qu’elles ne le sont des Asiatiques orientaux’’. Il confirme donc l’opinion selon laquelle il n’y a pas plus proche d’un peuple européen qu’un autre peuple européen, ce qui n’est pas contradictoire avec le constat de la diversité génétique qui existe entre les différentes populations européennes. Ainsi, Chao Tian a calculé que les Grecs actuels sont deux fois plus éloignés des Russes qu’ils ne le sont des Palestiniens et les Italiens sont à la même distance génétique des Palestiniens et des Suédois. Mais à titre comparatif, la distance génétique entre la moyenne européenne et les Yorubas africains est dix fois plus grande que celle qui sépare ces mêmes Italiens du sud des Lettons.

’La genèse de l’Europe moderne nous apprend que les Européens actuels descendent de trois populations très différentes, rassemblées au cours des neuf derniers millénaires, d’une manière que les archéologues n’avait jamais soupçonnée’’. Comme dans le cas de l’Inde, dont l’histoire est similaire  ‘’on assiste à une migration massive d’agriculteurs du Proche-Orient (il y a près de 9000 ans), à leur mélange avec des chasseurs-cueilleurs établis sur place, puis à une seconde migration massive d’humains qui, en provenance de la steppe eurasienne (il y a près de 5000 ans), apportent un autre type d’ancêtres, de même que, probablement, les langues indo-européennes’’.

 Les premiers (Western European Hunter-Gatherer, en bleu ci-dessous) sont les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique, venus du Proche-Orient voilà 40000 ans (ils étaient foncés de peau et de cheveux mais avaient des yeux bleus) ; ils se sont hybridés avec les hommes de Néanderthal, comme nous l’avons déjà écrit. Les seconds (Early Neolithic, en jaune ci-dessous) vinrent d’Anatolie et apportèrent l’agriculture (Néolithique). Ils avaient la peau claire mais avaient des cheveux et des yeux bruns. Enfin les troisièmes (Yamnayas, en vert) étaient des éleveurs nomades de chevaux, de bovins et de moutons établis dans les steppes situées au nord de la mer Noire et de la mer Caspienne avant de migrer vers le centre et le nord de l’Europe (il y a environ 5000 ans). Les yeux bleus n’existaient pas dans cette population. Ils connaissaient la roue, ce qui leur a permis d’atteler des chevaux ou des bovins à des chars et ainsi de parcourir de grandes distances en peu d’années. Leur avancée vers le centre et l’ouest de l’Europe n’a sans doute pas toujours été pacifique, mais les généticiens, qui ont trouvé des restes humains, datant de cette époque, infestés du virus de la peste, pensent qu’il est possible que l’intrusion des Yamnayas dans les régions habitées par des populations qui n’étaient pas immunisées contre ce virus a pu provoquer un effondrement démographique semblable à celui qui eût lieu en Amérique après l’arrivée des premiers Européens, ce qui aurait facilité la migration Yamnaya et le remplacement des agriculteurs.

Le tableau synthétique ci-dessous a été réalisé par le Dr Wolfgang Haak de l’Institut Max Planck (Allemagne). Il représente les parts respectives des génomes des trois populations originelles dans ceux des différentes populations européennes actuelles.

Comme l’indique ce tableau, le génome des Sardes, à la grande différence de celui des Estoniens, est presqu’entièrement hérité des agriculteurs anatoliens du Néolithique tout comme celui des Corses d’ailleurs qui ont les mêmes origines que leurs voisins insulaires selon une étude intitulée ‘’Structure génétique de la population Corse’’.

Dans le passé, la part d’origine Yamnaya a parfois été plus importante, dans certaines régions, qu’elle ne l’est aujourd’hui. Il y a eu des phénomènes dits de résurgence génétique, notamment dans les Iles Britanniques.

Le mélange des trois populations n’a pas été homogène et de ce fait les populations de certaines régions d’Europe sont, du point de vue génétique, presque semblables aux populations d’agriculteurs anatoliens du néolithique (en Sardaigne par exemple, mais aussi en Espagne) tandis que les Scandinaves ou les Baltes n’ont hérité que moins de 30% des gènes de ces derniers (13% pour ce qui concerne les Estoniens). On voit sur l’illustration que la part de gènes héritée des Yamnayas (éleveurs venus de la steppe eurasienne au début de l’âge du bronze) varie beaucoup du nord au sud du continent et qu’il ne dépasse jamais 50%. La moyenne européenne, en matière de gènes d’origine Yamnaya, ne dépasse guère un tiers ce qui est inattendu parce qu’on pensait que cette part était beaucoup plus importante. Le tableau ci-dessus illustre la diversité génétique qui existe en Europe laquelle est sans aucun doute à l’origine des différences observables entre les Européens actuels.

En fait, l’apport principal des Yamnayas aux Européens modernes est plus linguistique que génétique.

Ce que nous apprend aussi le livre de David Reich, c’est que les Yamnayas étaient eux-mêmes issus de mélanges à parts égales entre deux populations (chasseurs-cueilleurs d’Europe de l’est et Iraniens). A ce sujet, David Reich écrit : ‘’ Selon moi, la première population parlant une langue indo-européenne vivait donc le plus probablement au sud des montagnes du Caucase, peut-être sur le territoire actuel de l’Iran ou de l’Arménie, car l’ADN ancien de leurs habitants de ce temps correspond à ce que nous pourrions attendre d’une population qui serait l’ancêtre tant des Yamnayas que des Anatoliens de l’époque. Si cette hypothèse est correcte, cette population se serait ramifiée : une partie aurait migré à travers la steppe (où elle se serait mélangée à parts égales avec les chasseurs-cueilleurs steppiques pour donner naissance aux Yamna, comme décrit précédemment), l’autre serait allée en Anatolie (pour y engendrer des populations parlant des langues de la famille du hittite)’’.

L’idée selon laquelle il y aurait eu des races pures (exemptes de toute hybridation) dans un passé plus ou moins lointain est totalement fausse et l’histoire des purs Aryens n’est qu’une fable. L’histoire de l’humanité n’a été qu’une suite d‘hybridations successives suivies de périodes plus ou moins statiques de ce point de vue. ’’Par exemple, mon laboratoire a découvert en 2016, en séquençant de vieux génomes humains que les « Blancs » ne descendent pas d’une population qui aurait existé depuis des temps immémoriaux, comme certains le croient. Au lieu de cela, les « Blancs » sont le résultat d’un mélange de quatre populations qui vivaient il y a dix mille ans et qui étaient aussi différentes entre elles que ne le sont les Européens et les Asiatiques de l’est actuels’’. Le blanchiment de la peau serait lié à l’adoption de l’agriculture parce que les agriculteurs ne trouvaient plus dans leur alimentation la vitamine D que les chasseurs trouvaient dans la viande ; le blanchiment de la peau facilite la synthèse de la nécessaire vitamine D. En fait les Européens modernes ont hérité les yeux bleus des chasseurs-cueilleurs (les yeux bleus n’existaient pas au sein de la population Yamnaya), la hauteur de taille des Yamnayas et la peau claire des agriculteurs anatoliens. Le grand blond aux yeux bleus et à la peau pâle, génétiquement pur et parlant le proto indo-européen est aux abonnés absents. Concernant la blondeur, l’auteur écrit : ‘’Le plus ancien humain moderne présentant la mutation des cheveux blonds connu à ce jour est un Eurasien du Nord ; il a vécu dans la région du lac Baïkal (Sibérie) il y a 17000 ans’’.  Les Eurasiens du Nord (des chasseurs-cueilleurs qui se sont installés dans le nord de l’Eurasie il y a plus de 15000 ans) compteraient parmi leurs descendants les Amérindiens (pour un tiers du génome de ces derniers) et les Européens du Nord pour une part que David Reich n’indique pas.

 

 

Ceci étant dit, notre auteur désapprouve le discours politiquement correct qui vise à imposer l’idée selon laquelle les différentes grandes familles humaines contemporaines ne présenteraient pas de différences parfaitement identifiables. Dans un article publié par le New-York Times le 23 mars 2018, il a écrit : ‘’ On peut être préoccupé par une éventuelle mauvaise utilisation des données pour justifier le racisme, mais en temps que généticien je sais aussi qu’il n’est simplement plus possible d’ignorer les différences génétiques moyennes entre les « races ».

Des avancées révolutionnaires dans la technologie de séquençage d’ADN ont été faites au cours des deux dernières décennies. Ces progrès nous permettent de mesurer avec une précision parfaite quelle fraction de l’ascendance génétique d’un individu remonte, par exemple, d’Afrique de l’Ouest. Avec l’aide de ces outils, nous apprenons que, bien que la race puisse être une construction sociale, les différences d’ascendance génétique qui sont corrélées à de nombreuses constructions raciales actuelles sont bien réelles.

Des gens bien intentionnés qui nient la possibilité de différences biologiques substantielles entre les populations humaines se recroquevillent dans une position indéfendable, qui ne survivra pas à l’assaut de la science.

Alors que la plupart des gens conviennent qu’il est important de trouver les explications génétiques de certaines maladies, ils rechignent lorsqu’il s’agit d’influences génétiques sur le comportement et la cognition.

Est-ce que le Q.I., l’intelligence ou le nombre d’années d’éducation est influencé par l’éducation ? Bien sûr. Mais est-ce que cela mesure également des caractéristiques cognitives et comportementales ? Presque certainement. Et comme tous les caractères influencés par la génétique diffèrent d’une population à l’autre (les fréquences des variations génétiques étant rarement identiques d’une population à l’autre), les influences génétiques sur le comportement et la cognition varieront également d’une population à l’autre.

Vous entendrez parfois que les différences biologiques entre les populations sont petites, parce que les humains ont divergé trop récemment des ancêtres communs pour que des différences substantielles soient apparues sous la pression de la sélection naturelle. Ce n’est pas vrai. Les ancêtres des Asiatiques de l’Est, des Européens, des Africains et des Australiens étaient, jusqu’à récemment, presque complètement isolés les uns des autres pendant 40 000 ans ou plus, ce qui est amplement suffisant pour que les forces de l’évolution puissent fonctionner.

Dans les années à venir les études génétiques montreront que de nombreux caractères sont influencés par des variations génétiques, et que ces traits diffèrent en moyenne entre les populations humaines. Il sera impossible – en effet, anti-scientifique, idiot et absurde – de nier ces différences’’.

A la fin de son livre, il met en garde tous ceux qui voudraient dissimuler ce que découvrent les laboratoires‘’. Nous devons nous préparer à faire face aux résultats que les études génétiques nous apporteront ces prochaines années. Car elles risquent bien de révéler que les traits comportementaux et cognitifs sont influencés par la variation génétique, et que ces traits diffèrent en général entre les populations humaines, tant du point de vue de la moyenne que de la variation ? Même si nous ne connaissons pas encore ces différences, nous devons être prêts à envisager leur existence et à revoir notre conception des choses, plutôt que de les nier en bloc, au risque de nous retrouver pris au dépourvu lors de leur découverte. Il serait tentant, à la suite de la révolution du génome, de se réfugier dans les évidences et d’invoquer les apports génétiques qui se sont succédé au fil du temps pour décréter que les différences entre les populations sont forcément dérisoires. Nous aurions tort de suivre cette voie car, si nous choisissions deux personnes au hasard sur la planète, nous constaterions que bon nombre de leurs lignées respectives sont restées suffisamment longtemps isolées pour présenter des différences biologiques moyennes considérables’’. Il semble que nous ne soyons pas au bout de nos surprises et que le discours politiquement correct va être sérieusement malmené dans un avenir proche.

Portrait robot d’un chasseur-cueilleur de la péninsule ibérique

BG
Author: BG

4 réponses sur “Un livre révolutionnaire du généticien David Reich”

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