Pour le premier numéro de la revue Front populaire, qui a été co-créée et qui est dirigée par Michel Onfray, l’économiste Jacques Sapir a fait un compte rendu de l’étude réalisée en 2019 par le Centrum für Europaïsche Politik (CEP) un « think tank » favorable à l’UE et à la monnaie unique.
Les conclusions de cette étude sont résumées dans le tableau ci-dessous qui montre que si la création de l’euro a profité à l’Allemagne et aux Pays-Bas, il n’en va pas de même pour le Portugal, la France et l’Italie.
Pour ce qui concerne notre pays, le manque à gagner cumulé sur 18 ans (1999 – 2017) serait de 3591 milliards d’euros (pour fixer les idées, rappelons que la dette française était de l’ordre de 2400 milliards d’euros en septembre 2019), soit près de 200 milliards d’euros par an en moyenne, mais ce manque à gagner s’accroît régulièrement et il serait aujourd’hui supérieur à 400 milliards d’euros par an ! Une telle somme permettrait d’absorber tous nos déficits sans difficulté, de faire des investissements productifs massifs visant à la ré-industrialisation nécessaire de la France et beaucoup d’autres choses encore.
Cette monnaie qui est surévaluée pour la France et sous-évaluée pour l’Allemagne permet à cette dernière de gonfler ses exportations, y compris vers les pays de l’UE avec lesquels l’Allemagne réalise 59% de ses exportations, tout en ayant une monnaie gérée comme l’était le mark (l’euro c’est, en fait, le mark, une monnaie inadaptée à la structure économique de la France).
Dans son ouvrage de 2016 intitulé ‘’L’euro – Comment la monnaie unique menace l’avenir de l’Europe’’, Joseph Stiglitz a écrit : “L’économiste Robert Mundell, mon collègue, a reçu le prix Nobel pour s’être posé la question et avoir donné la réponse. Son analyse montre clairement que les pays de la zone euro sont trop différents pour partager aisément une monnaie unique.” C’est très exactement ce que disait Maurice Allais dès 1992. Le fait d’avoir fait de mauvaises analyses a conduit nos dirigeants à la création de cette union monétaire calamiteuse : “Premièrement, il n’y a même pas eu de poussée générale de croissance dans l’espace de l’euro après la formation de la zone euro. L’euro a peut-être contribué à créer des bulles en Espagne et en Irlande, mais il ne semble pas avoir accéléré la croissance de la zone euro dans son ensemble. Deuxièmement, les revenus sont aujourd’hui très inférieurs à la tendance longue que suivait le PIB avant l’euro. À la fin de l’année 2015, l’écart entre ce chiffre et le PIB réel de la zone euro était de 18 % – soit une perte d’environ 2.100 milliards d’euros. Si nous ajoutons les écarts, année par année, la perte cumulée en 2015 dépassait 11.000 milliards d’euros, soit 12.100 milliards de dollars. Troisièmement, l’écart s’accroît toujours – et je suis persuadé qu’il continuera à le faire tant que la zone euro maintiendra ses politiques actuelles” (Joseph Stiglitz ; ‘’L’euro’’ ; page 100)
Joseph Stiglitz disait donc vrai, mais lors de la sortie de son livre, il ne fut invité par aucune chaîne française de télévision !
“Sur tous les critères ordinaires de mesure du succès économique, la zone euro a échoué. Elle a fait moins bien que les États-Unis, pays d’origine de la crise, et moins bien que l’Europe hors zone euro” (Joseph Stiglitz).
L’économie française, comme l’italienne, meurt de l’entêtement idéologique de nos dirigeants.