Le référendum obligatoire a été introduit dans les Constitutions de 1793 et 1795 mais la première ne fut jamais appliquée et la seconde le fut pendant quatre années seulement. Bien que promue par J.J. Rousseau, la démocratie directe n’a jamais réussi à s’imposer en France. Depuis 1875, la tradition dite « républicaine » s’y est toujours opposée.
André Tardieu, qui était un rebelle, en était un chaud partisan mais c’est le général de Gaulle selon lequel ‘’C’est un principe de base de la Ve République et de ma propre doctrine que le peuple français doit trancher lui-même dans ce qui est essentiel à son destin’’ (Charles de Gaulle – Mémoires d’espoir, tome II, L’effort) qui réussit, à la faveur d’une grave crise de régime, à glisser le référendum d’initiative présidentielle ou parlementaire dans la nouvelle Constitution. Pour lui, le référendum n’était pas une procédure annexe mais un élément central de la nouvelle constitution qui devait permettre de prendre en compte les aspirations populaires. Il pensait, à juste titre, que rien de durable ne pouvait être fait contre la volonté populaire ; c’est la raison pour laquelle il défendait l’idée de la « participation » du peuple dans le domaine économique mais aussi dans le domaine politique. Le 10 avril 1969, au cours d’un entretien télévisé, le Général dit : ‘’Pour un grand nombre de professionnels de la politique qui ne se résignent pas à voir le peuple exercer sa souveraineté par-dessus leur intermédiaire, ainsi que pour certains juristes qui en sont restés au droit tel qu’il était au temps où cette pratique éminemment démocratique n’existait pas dans nos institutions, le référendum paraît fâcheux et anormal. C’est parce qu’il est en somme la participation directe de chaque Français aux décisions qui concernent le sort de la France’’. Le 1er octobre 1948 déjà, il affirmait le nécessaire recours à la vox populi : ‘’je crois qu’en France, la meilleure cour suprême c’est le peuple, et que lorsqu’il y a divergence ou impossibilité d’accorder le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, ou bien lorsque le pouvoir législatif ne parvient pas à dégager une majorité, ce qui est très souvent le cas chez nous, pour beaucoup de raisons et notamment des raisons de tempérament, le meilleur arbitre est alors le peuple. Il faut se résoudre à demander au peuple de trancher. Cela est le vrai fonctionnement de la démocratie […..] En France, le recours au pays est nécessaire. Il n’y a pas moyen de surmonter les féodalités politiques, sociales, syndicales et autres, qui forcément s’instituent, si l’on ne recourt pas au souverain qui est le peuple’’. Notons que de nombreux pays n’ont ni Cour suprême ni Conseil constitutionnel ; aux Pays-Bas, la création d’un tel Conseil est même interdite par la constitution. Pour le Général, le référendum va de pair avec « l’autorité d’un chef de l’État qui en soit un » (« Mémoires de guerre » ; Tome III). Dans une république, pour que le chef de l’État soit doté d’une grande autorité, il faut que le peuple puisse s’opposer à lui quand cela est nécessaire ; à défaut, le risque d’une dérive tyrannique est grand.
Par ailleurs, il faut que les citoyens puissent se prononcer sur des idées et pas uniquement pour choisir des représentants parce que la démocratie représentative peut générer de graves distorsions entre ce que souhaitent la majorité des citoyens et ce que veulent vraiment les élus, une fois les élections passées, comme nous le constatons depuis plusieurs décennies. Par ailleurs, le peuple s’inscrit dans un temps long (la vie d’un citoyen augmentée de celles de ses enfants et petits-enfants) à la grande différence des élus qui agissent dans le temps court des mandats électoraux ; il en résulte des prises de décisions à courte vue et sans envergure ainsi qu’un refus de prendre des décisions courageuses et nécessaires qui pourraient mettre en péril les carrières politiques. Le parlementarisme a de très gros défauts. Il faut que les citoyens puissent imposer un changement souhaité par la majorité quand les représentants refusent de le faire comme c’est le cas, en France, dans de nombreux domaines depuis des décennies (immigration, Union européenne…..).
La cinquième République ne peut pas fonctionner en l’absence de référendums, c’est la raison pour laquelle notre système politique génère, depuis une vingtaine d’années, autant de mécontentement et, désormais, une réelle crise de régime. A la différence de nos derniers présidents, le général de Gaulle voulait que les Français puissent s’exprimer régulièrement par la voie référendaire de façon, non pas à renforcer sa position personnelle en organisant des référendums gagnés d’avance comme l’ont fait des chefs d’États autoritaires ou totalitaires, mais pour vérifier la congruence de ses projets avec les souhaits de la majorité, à défaut de laquelle, il se devait de démissionner, ce qu’il fit en 1969. C’est l’esprit de notre Constitution gaullienne mais, comme l’a dit Pierre Rosanvallon, notre actuel président, qui s’en tient à la lettre, ne sait pas ce que cela signifie. Sa façon de gouverner provoque un rejet massif de la Constitution alors que le problème réside dans son utilisation. Le retour au système parlementaire des IIIe et IVe Républiques n’est pas souhaitable.
Par ailleurs, en cas de blocage au niveau du parlement (absence de majorité), le référendum est une issue de secours qui peut être utilisée avant que la situation ne dégénère (grèves massives, émeutes….). Dans l’état actuel des choses, les présidents pourraient organiser des référendums quand la situation politique se tend mais, depuis 2005, ils écartent, par principe, la solution référendaire. De plus en plus nettement, nos présidents, et surtout E. Macron, ignorent l’esprit de notre Constitution et utilisent les pouvoirs présidentiels qui peuvent être exorbitants sans prendre en compte l’idée gaullienne selon laquelle rien ne doit être fait contre la volonté populaire. Ils pensent qu’une fois élus, ils ont reçu un blanc-seing qui leur permet de prendre des décisions importantes y compris quand de toute évidence la grande majorité des Français s’y opposent. C’est clairement le cas en 2023 avec la réforme des retraites qui est rejetée par les trois quarts de nos compatriotes. Dans un tel cas, c’est le président qui crée la chienlit et qui en est donc le responsable ! La cinquième République tourne à l’autocratie mais cela n’est pas lié à sa nature propre ; c’est parce qu’elle n’est pas utilisée conformément à son esprit originel, celui de son créateur, qu’il y a des dysfonctionnements. Notre Constitution permet à la fois de donner du pouvoir à l’exécutif, ce qui n’était pas le cas sous les IIIe et IVe Républiques, tout en donnant du pouvoir au peuple, ce qui n’existait pas non plus auparavant. Les deux républiques précédentes n’accordaient de pouvoir ni à l’un ni à l’autre, le pouvoir était concentré au parlement ; nous avons eu pendant 75 ans un régime parlementaire qui ne fonctionnait pas et qui a à son actif une des deux plus grandes défaites de notre histoire, l’autre étant celle de 1815.
La cinquième République permet d’avoir un exécutif puissant voire même très puissant quand l’article 16 est appliqué, mais ce dernier ne peut l’être que dans le cas d’une situation exceptionnelle ; en dehors d’une telle situation, la politique doit être menée en collant à la demande populaire et en ayant recours régulièrement au référendum, ce que ne font plus nos présidents. Pour remédier à cette dérive, le référendum d’initiative populaire s’impose. Puisque les présidents refusent d’organiser des référendums, il faut que les citoyens puissent les organiser eux-mêmes ; c’est la seule façon d’éviter le blocage de notre système politique. Le pouvoir fort de l’exécutif doit être contrebalancé par un pouvoir fort du peuple qui permet à ce dernier d’imposer sa volonté en cas d’excès du premier ; par ailleurs, le peuple doit pouvoir imposer ses choix quand le parlement ne tient pas compte de ses aspirations. Comme le pensait Théodore Roosevelt, le référendum d’initiative populaire est nécessaire : ‘’Je crois que l’initiative et le référendum doivent être utilisés, non pas comme des substituts au gouvernement représentatif, mais comme des moyens de rendre ce gouvernement réellement représentatif […..] de telle manière que si les représentants échouent à représenter réellement le peuple [….ce dernier] a en ses mains le moyen de réparer le préjudice’’ (Théodore Roosevelt, 21 février 1912). Même si, comme le montrent certaines études, l’existence du référendum d’initiative populaire ne contraint pas vraiment les représentants à satisfaire les aspirations populaires, les citoyens peuvent se substituer aux parlementaires en faisant voter les lois que ces derniers ne veulent pas voter ou en abrogeant celles que la majorité des électeurs souhaitent supprimer. Il permet de corriger le plus gros des défauts de la « démocratie représentative » laquelle fait la part belle aux partis politiques et déforme la volonté populaire. Le référendum d’initiative populaire permet au peuple de s’exprimer sans passer par le filtre des partis lesquels ont des objectifs qui ne correspondent pas nécessairement aux vœux de la majorité des citoyens et qui peuvent même être en opposition totale avec ces derniers . Quant au RIC révocatoire (possibilité de révoquer les élus par référendum), il est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des élus qui peuvent être contraints de retourner devant les électeurs de leurs circonscriptions s’ils ne prennent pas en compte les aspirations de leurs électeurs ou s’ils trahissent leurs engagements.
Référendum d’initiative citoyenne et républicanisme
Depuis 1875, les élites politiques françaises, à l’exception d’André Tardieu et du général de Gaulle, ayant toujours été très favorables au système représentatif, n’ont jamais envisagé d’introduire le RIC. On les comprend bien puisque l’adoption de ce dernier retirerait beaucoup de pouvoir aux hommes politiques et aux partis qui profitent de leur situation monopolistique pour imposer leurs idées qui ne sont pas nécessairement celles de leurs électeurs. Par ailleurs, Roberto Michels a montré que les partis politiques sont des organisations oligarchiques qui mènent leurs activités propres, parfois au détriment de l’intérêt commun. De ce fait, leurs activités et leurs décisions doivent pouvoir être contestées, dénoncées et contrecarrées par le peuple, quand cela est nécessaire ; la domination exercée par les partis politiques doit disparaître parce qu’elle n’apporte rien, bien au contraire. Les partis exercent une forme d’arbitraire en refusant, par exemple, de débattre de certains sujets (immigration, transfert de pouvoirs à l’UE…..). Le général de Gaulle, qui pensait que toutes les décisions importantes doivent être validées par le peuple et qui, sur ce point comme sur d’autres, était animé par l’esprit du républicanisme civique, était pour le moins méfiant à leur égard et souhaitait réduire leur importance.
Les partis politiques décident des sujets qui sont traités par les parlementaires et de ceux qui ne le sont jamais ; certains souhaits exprimés par les citoyens ne sont pas pris en compte même quand ils sont ceux d’une large majorité. Ainsi, 70% des Français souhaitent l’introduction du RIC (https://www.bfmtv.com/politique/sondage-bfmtv-les-francais-largement-favorables-au-referendum-d-initiative-citoyenne-1591871.html) mais les partis politiques les plus représentés à l’Assemblée ne le souhaitent pas ; on peut parler de tyrannie de la classe politique. C’est une telle tyrannie que subissait la plèbe romaine en 494 avant notre ère quand elle décida de se retirer sur l’Aventin et de faire la grève du service militaire, laissant ainsi la classe sénatoriale seule face aux ennemis de Rome. Ce qui résulta de cette empoignade célèbre, qui émerveillait Machiavel, ce fut la création du Tribunat de la plèbe qui était réclamée par cette dernière. Machiavel considérait que le Tribunat était la plus importante des institutions de la Rome républicaine. Les tribuns de la plèbe étaient sacrés, ils étaient titulaires de la « sacrosancta potestas » et ils étaient, de ce fait, intouchables ; ils étaient élus pour un an par le Concile de la plèbe et ils avaient un droit de veto sur toutes les décisions prises par les magistrats y compris les Consuls. Le peuple français ne dispose évidemment pas d’un tel pouvoir dans l’état actuel des choses, parce que le référendum d’initiative partagée est pratiquement inutilisable (on reconnaît là la patte de Sarkozy). L’introduction du référendum d’initiative populaire et des référendums facultatifs, abrogatoire et révocatoire, permettrait de le doter d’un pouvoir plus important que celui des tribuns romains puisque le peuple aurait la possibilité de voter ou d’abroger des lois ordinaires ou constitutionnelles et, éventuellement, de révoquer des élus. Le référendum d’initiative citoyenne permet, tout en conservant un système représentatif, auquel on ne peut échapper totalement, de donner le dernier mot au peuple et ce, sur tous les sujets (en Suisse, seules les questions budgétaires ne peuvent faire l’objet de référendums fédéraux mais des référendums portant sur les finances publiques existent dans certains cantons). Ce choix va à l’encontre de ce que veulent les élites politiques libérales et socialistes lesquelles, au nom de la « complexité » grandissante de nos sociétés et des techniques, souhaitent imposer leur « gouvernance », c’est-à-dire en réalité une forme de despotisme. Ce n’est pas nouveau, au 18e siècle déjà, certains des philosophes des Lumières (dont, au premier chef, Voltaire) pensaient en termes de « despotisme éclairé ».
L’introduction des référendums facultatifs et d’initiative populaire vise à réduire la domination arbitraire qui est exercée par les élus dans les « démocraties représentatives », ce qui s’inscrit dans le droit fil de la pensée républicaine pour laquelle, la suppression des dominations arbitraires est un objectif essentiel. Ceci dit, nous ne privilégions pas un système purement référendaire dans lequel toutes les décisions seraient prises directement par le corps civique ; nous pensons que l’existence d’un corps de représentants bien formés et dotés de grandes compétences est souhaitable, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, loin s’en faut. Ce corps de représentants devrait avoir l’importance qu’avait le Sénat à Rome ; ce dernier était très surveillé par la plèbe qui avait la possibilité de le sanctionner en lui opposant le véto tribunicien mais son rôle élitaire était bien accepté parce que les citoyens romains pensaient, à juste titre, qu’il était nécessaire que des gens compétents soient en charge des affaires publiques. L’introduction des référendums facultatifs et d’initiative populaire permettrait de corriger les inévitables dérives du corps législatif ou de l’exécutif. Le président, doté de pouvoirs étendus, et le corps législatif, constitué de citoyens très compétents, seraient sous la surveillance du peuple qui aurait, quand cela est nécessaire, le dernier mot.
Les procédures de démocratie directe en Suisse
Le référendum d’initiative populaire existe dans de nombreux pays mais c’est aux Etats-Unis (au niveau des comtés et de 24 Etats fédérés, en particulier la Californie, un Etat de 40 millions d’habitants dans lequel le RIC est très utilisé) et surtout en Suisse qu’il est le plus abouti. Il existe aussi dans de nombreux autres pays où il est, le plus souvent, incomplet ; c’est le cas au Lichtenstein, en Italie, en Uruguay, en Croatie, en Lituanie, au Kenya, au Vénézuela, aux Philippines, en Bolivie, dans quelques Etats du Pacifique…… La Suisse a été le premier pays à institutionnaliser le RIC, en 1848 ; il y a eu entre 1848 et 2017, 615 votations populaires dont 222 référendums obligatoires (166 ont été acceptés), 184 référendums facultatifs (104 a ont été acceptés) et 209 référendums d’initiative populaire (22 seulement ont été acceptés) dans ce pays et nos voisins Helvètes en organisent de plus en plus fréquemment. Aux États-Unis, les procédures référendaires n’existent pas au niveau fédéral mais seulement dans certains des États fédérés tandis qu’en Suisse elles sont utilisées au niveau fédéral mais aussi aux niveaux cantonal et municipal de manière très variée.
La constitution française prévoit trois types de référendums : le référendum d’initiative présidentielle, le référendum d’initiative parlementaire et le référendum d’initiative partagée (entre les parlementaires et les citoyens). Par contre, en Suisse, il existe quatre types de procédures référendaires au niveau fédéral : le référendum obligatoire, le référendum facultatif abrogatoire, le référendum facultatif révocatoire et l’initiative populaire.
Les référendums obligatoires fédéraux concernent certains domaines qui sont prévus par la Constitution, à savoir les révisions totales ou partielles de cette dernière, l’adhésion à des organisations de sécurité collective ou à des communautés supranationales et des lois fédérales dites urgentes. Pour être approuvés ces référendums requièrent la majorité des cantons et la majorité des votants.
Le référendum facultatif fédéral permet à tout citoyen suisse d’empêcher l’entrée en vigueur d’une loi fédérale, d’une loi fédérale urgente, d’un arrêt fédéral ou d’un traité international. Pour cela, il faudra que ce citoyen réunisse 50000 signatures en moins de cent jours. Il suffit que les votants se prononcent en majorité (simple) en faveur de l’empêchement pour que la loi, l’arrêt ou le traité concerné soit rejeté. La majorité des cantons n’est pas exigée dans ce cas. Notons que, par ailleurs, aucun quorum de participation n’est exigé en Suisse pour les référendums et pour les initiatives populaires. Ce type de référendum correspond au référendum abrogatoire proposé par les Gilets Jaunes.
Le référendum facultatif révocatoire est comparable au précédent mais il ne concerne que la révocation des élus et, en Suisse, il n’existe pas au niveau fédéral mais seulement dans six cantons. Dans les faits, le référendum révocatoire, en Suisse et aux États-Unis, est peu utilisé mais il contraint les élus, dans une certaine mesure, à respecter leurs engagements, ce qui n’est pas rien.
Enfin, le référendum d’initiative populaire permet aux citoyens suisses de soumettre au vote des propositions de modification partielle ou totale de la Constitution, de lois ou de décrets. Pour qu’une initiative fédérale aboutisse à une votation, il faut que le comité qui est à l’origine de l’initiative collecte 100000 signatures en moins de 18 mois. Il faut souligner que le nombre d’initiatives dont les propositions ont été acceptées est faible (22 d’entre elles, sur 209, ont été acceptées entre 1891 et 2017).
En France, seuls existent le référendum d’initiative présidentielle ou parlementaire, le référendum d’initiative partagée et le référendum obligatoire prévu à l’article 89 qui concerne les révisions constitutionnelles proposées par le président ou les parlementaires.
Contrairement à ce que disent beaucoup de commentateurs, le référendum d’initiative populaire n’est pas comparable au plébiscite. A la différence du référendum d’initiative présidentielle, il ne peut être utilisé par le chef de l’État pour renforcer sa position ; il peut même être très gênant pour lui. Les mêmes disent aussi que les citoyens ne répondent jamais à la question posée lors d’un référendum ce qui est en partie vrai des référendums d’initiative présidentielle à la faveur desquels une majorité peut souhaiter profiter de l’occasion pour sanctionner le président mais lors d’un référendum d’initiative populaire ou d’un référendum facultatif (abrogatoire ou révocatoire), les choses sont très différentes puisque ce n’est pas le président qui en est à l’ origine.
Parfaire la Constitution et renforcer la démocratie en étendant la pratique référendaire
Selon l’article 3 de la Constitution de la Ve République, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Quant à l’article 11, il contient les modalités d’organisation des référendums d’initiative présidentielle ou parlementaire et des référendums d’initiative partagée. La voie référendaire étant ouverte, il ne reste plus qu’à l’élargir.
Le référendum d’initiative partagée est possible à la demande d’au moins un cinquième des parlementaires appuyés par 10% des électeurs inscrits. Ce dernier type de référendum, qui a été introduit récemment (1er janvier 2015 suite à une révision constitutionnelle de 2008), est une étape insuffisante vers le RIC mais nous nous en approchons. Cette procédure référendaire a deux gros défauts : il est nécessaire d’obtenir l’accord d’une partie des parlementaires (au moins 185) lesquels sont très majoritairement hostiles au référendum et le nombre requis des signataires de la pétition est trop important (4.700.000 signatures ; en exigeant le même pourcentage d’électeurs qu’en Suisse, le seuil se situerait aux environs de 800.000). En 2020, 1.116.000 Français signèrent l’appel à signatures concernant le projet de référendum d’initiative partagée portant sur la privatisation d’Aéroports de Paris bien que les médias l’aient totalement occulté (absence de débats……). Il est donc possible d’atteindre le seuil de 700.000 signatures qui est proposé par Clara Egger et Raul Magni-Berton, tandis qu’il serait très difficile d’atteindre le seuil des 4.700.000 signatures. Or, les expériences des pays dans lesquels le RIC existe montrent qu’un seuil de signatures trop élevé se traduit par l’inutilisation de cette procédure. L’actuel référendum d’initiative partagée est doublement insatisfaisant.
Un sondage, réalisé par « Cluster 17 » pour Le Point en avril 2023, a montré que 52% des Français seulement pensent que le vote est un moyen de peser sur les décisions politiques. Pire encore, 35% des 18-24 ans sont convaincus que seules les actions violentes permettent de changer les choses. Il est de plus en plus clair que le système représentatif ne satisfait plus nos compatriotes et que ces derniers veulent plus de pouvoir. L’introduction du référendum d’initiative populaire et des référendums facultatifs abrogatoire et révocatoire est désormais indispensable si on veut éviter une explosion sociale et politique de notre pays. Outre le sondage mentionné précédemment, le fait que le RIC ait été l’idée principale mise en avant par le mouvement des Gilets Jaunes, lequel était soutenu par 70% des Français, indique clairement que l’adoption des outils de la démocratie directe s’impose désormais. Notons que les libéraux et les socialistes, politiciens et journalistes, s’y opposent furieusement.
Comment pourrait-on introduire le RIC dans notre Constitution ?
L’article 3, alinéa 1, de notre Constitution qui prévoit que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum » permet d’envisager un passage au référendum d’initiative populaire sans changer de constitution.
Contrairement à la proposition d’introduction du référendum d’initiative populaire dans notre Constitution qui a été faite par l’association ‘’Article 3’’ laquelle suggère de le faire en modifiant l’article 3, Clara Egger et Raul Magni-Berton pensent qu’il serait plus judicieux de modifier l’article 89. Dans leur ouvrage intitulé « RIC », ils ont examiné les propositions de l’association « Article 3 » et celle de LFI. Cette dernière, dont ils pensent qu’elle est la plus mauvaise parce qu’elle consisterait à créer quatre nouveaux articles qui viendraient occuper les espaces disponibles des anciens articles abrogés 78, 79, 80 et 81. Le nouvel article 78 permettrait le référendum facultatif législatif, le suivant instaurerait le référendum facultatif abrogatoire et le nouvel article 80 porterait sur le référendum facultatif révocatoire ; quant au nouvel article 81, il concernerait la révision constitutionnelle. Ces quatre lourdes modifications posent problème parce que cela génèrerait de la complexité et de la confusion, ce qui n’est pas souhaitable compte tenu du fait que ces modifications de la Constitution devraient être validées par référendum ; un texte soumis au référendum doit être simple et clair. De plus, la proposition de LFI prévoit, dans le nouvel article 81, la possibilité d’exiger, par pétition, la création d’une Assemblée constituante, dont le rôle serait dédié aux modifications de la Constitution mais elle ne précise pas qui siègerait dans cette Assemblée, sinon de mystérieux « représentants du peuple » qui seraient peut-être élus. Si on retient l’hypothèse d’une élection des membres de cette Assemblée, cela nous renverrait à la représentation. Retour à la case « départ ».
Quant à la proposition de l’association « Article 3 », elle prévoit, d’une part, l’abrogation de l’article 11, dans lequel sont précisées les modalités d’emploi des référendums d’initiative présidentielle ou parlementaire et du référendum d’initiative partagée, et, d’autre part, la modification des articles 3, 24, 39, 60 et 89, ce qui fait beaucoup de modifications aussi, même si les modifications des articles 24 et 39 sont très légères ; au total, ces modifications sont moins lourdes que celles prévues par LFI. L’association «Article 3 » a prévu qu’une initiative citoyenne de révision de la Constitution serait adoptée si 60% des votants, au moins, s’exprimaient en sa faveur ; une telle majorité qualifiée est très discutable parce qu’il est difficile d’admettre que 40% des votants pourraient imposer leur choix aux 60% majoritaires.
Les auteurs pensent, à juste titre que ce dont le peuple doit être pourvu en priorité c’est du pouvoir de révision constitutionnelle : ‘’Une démocratie est directe lorsque les décisions prises directement par les électeurs sont plus importantes que celles prises par leurs représentants…..Ce qui veut dire que ceux qui ont le pouvoir de produire les lois constitutionnelles ont toujours le dernier mot par rapport à ceux qui n’ont pas ce pouvoir. On voit déjà ici, et nous en reparlerons plus tard, qu’un RIC devrait permettre de modifier la Constitution pour véritablement donner lieu à une démocratie directe. Pourtant, dans certains pays comme l’Italie, il est impossible de lancer un RIC sur des questions constitutionnelles, qui sont les plus importantes. Par conséquent, ceux qui peuvent changer la Constitution – les élus – ont le dernier mot sur leurs citoyens. De plus, les représentants peuvent modifier une loi issue du RIC, car au même titre que n’importe quelle autre loi, elle peut être modifiée. Les décisions issues du RIC ont, en leur faveur, la légitimité d’avoir été votées par le corps électoral. Mais elles restent fragiles en cas de désaccord avec les élus. Cela fait de l’Italie un régime représentatif, avec un RIC en bonus. A l’inverse, en Suisse, non seulement les citoyens peuvent changer la Constitution, mais nul autre ne peut le faire. Ce dernier aspect est très important et renvoie à une autre institution de démocratie directe : le référendum obligatoire. Comme son nom l’indique, il oblige les représentants qui souhaitent modifier la Constitution à soumettre leur proposition à référendum, sans quoi aucune modification n’est possible’’ (« RIC » ; page 17 ). L’introduction du référendum obligatoire en France serait possible ‘’du fait des dispositions prévues dans l’article 89 de la Constitution qui prévoit que la voie royale pour valider une révision constitutionnelle est le référendum. Cette phrase devrait être gardée, avec la précision que la majorité simple des votants suffit. Cependant, l’article 89 ajoute une exception : le président de la République peut décider de soumettre le projet au Parlement, qui doit l’approuver aux trois cinquièmes des suffrages exprimés. Si cette exception est abrogée, toute révision ne pourra être approuvée que par référendum. Ce qui introduit le référendum obligatoire. Finalement, donc, l’initiative reviendrait ainsi au président, aux parlementaires ou à 700000 citoyens, mais l’approbation ou le rejet de la proposition reviendraient uniquement à la majorité simple des votants’’ (« RIC » ; page 166). Bien évidemment, ce qui vaut pour une modification de la Constitution vaudrait aussi pour les traités internationaux à valeur constitutionnelle : ‘’Cette proposition – via l’amendement de l’article 89 de la Constitution – permet également d’introduire sans difficulté un référendum obligatoire, qui garantit qu’aucun amendement constitutionnel, ni aucun traité international ayant valeur constitutionnelle, ne puisse avoir lieu autrement que par référendum’’ (« RIC » ; page 169).
La proposition des auteurs consiste à modifier l’article 89 de façon à ce que les citoyens, concurremment au président de la République et aux parlementaires, puissent initier une révision de la Constitution : ‘’La proposition de révision issue des citoyens et citoyennes vise, dans un délai de 18 mois à compter de la publication officielle de leur initiative, à demander la révision partielle de la Constitution. Si, dans ce délai, elle obtient le soutien de 700000 citoyens et citoyennes, elle doit être validée par le Conseil d’État dans un délai qui ne peut dépasser une durée maximale de 4 mois. Une fois validée, le président la soumet à référendum citoyen dans un délai qui ne peut dépasser un an. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum à la majorité simple des votants. Celle-ci sera alors mise en application dans un délai maximal de 6 mois’’ (« RIC » ; page 168).
Les référendums d’initiative présidentielle et parlementaire ainsi que le référendum obligatoire pour toute révision de la Constitution seraient maintenus. Une fois que l’article 89 aurait été modifié de façon à permettre les initiatives visant à réviser la Constitution, il serait possible d’introduire les autres référendums (législatif, abrogatoire et révocatoire).
Il est difficile de mobiliser trop souvent les électeurs
Clara Egger et Raul Magni-Berton ont souligné le fait que la multiplication des référendums tend à faire baisser la participation électorale, ce qui pose tout de même un problème. Ainsi en Suisse, où de nombreuses votations ont lieu chaque année, la participation est presque toujours inférieure à 50% (40% en moyenne). Les citoyens suisses choisissent de voter seulement sur les sujets qui les intéressent vraiment. Pour palier à ce problème, Clara Egger et Raul Magni-Berton évoquent plusieurs solutions : le vote obligatoire, qui n’est pas vraiment satisfaisant, les citoyens pouvant voter massivement « blanc » parce qu’ils n’ont pas d’opinion sur la question posée, ou le vote électronique, mais beaucoup de gens s’en méfient et il n’est pas certain que la participation serait plus importante. Bref, ils ne voient pas vraiment de solution à cet abstentionnisme récurrent qui tend à croître et ils en minimisent l’importance en mettant en avant le fait que ce ne sont pas toujours les mêmes électeurs qui participent aux votations ; les électeurs votent sur les sujets qui les intéressent et le contingent de votants change à chaque votation. Il semble que les Suisses soient satisfaits de ce système mais il serait possible de procéder différemment en tirant au sort chaque année un corps d’électeurs (750000 par exemple soit 1,6% des électeurs, au plan national) qui serait constitué de contingents départementaux proportionnels au nombre d’habitants de chacun des départements de façon à ce que cette «chambre du peuple » reflète le plus fidèlement possible la population nationale. La procédure de tirage au sort est on ne peut plus démocratique et un panel d’électeurs de cette envergure serait parfaitement représentatif. Ces électeurs tirés au sort auraient l’obligation d’étudier les questions soumises à référendum et de participer aux votes (pas de vote blanc). Chaque électeur ne serait tiré au sort qu’une seule fois au cours de sa vie pour un «mandat» de un an. Toute forme de lobbying devrait être interdite et les listes annuelles devraient être parfaitement anonymes. Les partis politiques pourraient s’adresser à ces électeurs de manière anonyme par les médias habituels et par le ministère de l’intérieur qui leur ferait parvenir la proposition et l’argumentaire des promoteurs du référendum facultatif ou de l’initiative. Pour que le référendum puisse avoir lieu, une pétition devrait recueillir 700000 signatures dans un délai de 18 mois. Pour les initiatives d’ordre constitutionnel, le corps électoral dans son ensemble pourrait éventuellement être appelé aux urnes, comme c’est le cas aujourd’hui.